Une goutte? La Senne coule dans nos veines
Sans le savoir, la Senne fut sans doute la première citoyenne de la ville. Nous vous emmenons aujourd’hui dans le lit d’une rivière trop souvent décriée.
Notre Senne fait figure de pâle cours d’eau face au fleuve français. Mais, aussi courte et petite soit-elle, elle a marqué Bruxelles de son empreinte.
Avant Bruxelles
La Senne prend sa source à une quarantaine de kilomètres de Bruxelles, dans les prairies wallonnes de la province du Hainaut. Plus précisément, entre deux carrières de pierres bleues de la commune de Soignies. Ses eaux coulent ensuite vers nous en traversant Rebecq et Tubize, dans le Brabant wallon, puis Hal (Halle), dans le Brabant Flamand.
La Senne ?
Souvent ignorée, voire inconnue des petits nouveaux, la Senne est pourtant le cours d’eau principal de la ville. Aujourd’hui, la rivière plonge dans les profondeurs du sous-sol bruxellois, un peu avant la gare du Midi, pour en ressortir au pont Van Praet. Le tout, après avoir contourné le centre-ville par les boulevards de la petite ceinture.
Jusqu’en 1871, la Senne traversait le centre de la ville à ciel ouvert, comme le rappelle un faux bras de Senne, dans une cour intérieure discrète, à l’arrière de la place Saint-Géry. Mais qu’a-t-elle donc fait pour mériter d’être enfouie de la sorte ?
La Senne, son histoire bruxelloise
Bruxelles est, en réalité, née sur les berges de la Senne. Jusqu'au 19e siècle, a rivière traversait Bruxelles de part en part dans un tracé plutôt sinueux proche de l’actuel axe nord-midi. La ville a donc grandi au cœur de ses méandres, à l’abri de ses bras. Mais au fil du temps, les ateliers et les moulins se sont effacés pour faire place aux tanneries, brasseries et autres industries.
La Senne devient rapidement un égout à ciel ouvert, qui déborde à la moindre période de forte pluie et qui est incapable de charrier les eaux usées lors des sécheresses. La rivière bucolique n'est plus. Un flux d’eaux polluées à l’odeur pestilentielle l'a remplacée.
La seconde moitié du XIXème siècle sera fatale à la Senne. De trop nombreuses crues combinées à une épidémie de choléra signent son arrêt de mort. Le roi l'a décidé, cette maudite rivière doit disparaître avant la fin de son règne!
Le bourgmestre de l’époque, Jules Anspach, prend alors la décision de lancer un grand chantier de recouvrir la Senne. C’est parti pour quatre ans de travaux de voûtement, entre 1867 et 1871 qui relègueront la rivière dans deux collecteurs parallèles sous les actuels boulevards piétonniers du centre. Les travaux auront été marqués par de nombreuses difficultés techniques, mais surtout, par un scandale de détournement de fonds. Anspach est alors pris à parti par la presse qui l’accuse d’être le fossoyeur du Vieux Bruxelles.
La Senne détournée de son cours en 1955 suit depuis la petite ceinture à partir de la gare du Midi jusqu’à la place Sainctelete avant de continuer son trajet souterrain jusqu’au pont Van Praet. Le prémétro prend donc la place laissée vide en 1976, et circule encore sous les boulevards principaux aujourd'hui.
Avec la bénédiction et la collaboration de Vivaqua, une équipe de passionnés de patrimoine industriel a navigué sur la Senne souterraine en juin 2009. Ils sont remontés avec ce film à découvrir sans tarder!
La Senne et la bière
Brasser un lambic ou une gueuze relève d’une alchimie que seuls les brasseurs les plus expérimentés maîtrisent. Et comme tout magicien qui se respecte ne révèle jamais ses secrets, eux aussi sont très discrets sur leurs potions. Cependant, tous s'accordent à le dire: la Senne et ses leveures spontanées sont à la base de leur talent. Sans elles, pas de fermentation et encore moins de lambic! Ce n'est pas un hasard si une des dernières brasseries nées à Bruxelles a choisi comme nom: Brasserie de la Senne.
Après Bruxelles
La Senne coule ensuite vers Vilvorde et Zemst (Brabant flamand) avant de se jeter dans la Dyle à Heffen (province d'Anvers) et de grossir plus tard le débit de l’Escaut. Si aujourd’hui elle quitte Bruxelles en étant biologiquement morte, les nombreux traitements des eaux usées de la capitale, mis en place depuis les années 2000 et 2010, devraient bientôt permettre à la Senne de revivre.
La Senne est à l’image de Bruxelles, une véritable zinneke : c’est la seule rivière à traverser les trois régions du pays, et à avoir bousculé tant de vies.
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