Une journée de forain à la Foire du Midi
Nous avons rendez-vous à hauteur du numéro 106 du Boulevard du Midi, à deux pas de la toute nouvelle attraction Terror Factory. Alors qu’un rire satanique résonne encore dans l’air, les odeurs de croustillons nous titillent déjà les narines. Nous sommes arrivés devant la baraque de Patrick De Corte. Des gaufres, des churros, des crêpes et surtout des frites sont au menu ! Derrière le comptoir, l’équipe du forain est prête à jeter pommes de terre et pâte à beignets dans l’huile frémissante…
Dans les coulisses de la Foire du Midi
Mardi, 16h. La famille De Corte s’affaire déjà aux fourneaux depuis 10h30 à allumer les feux, remplir les granitas, précuire les frites… Contrairement aux autres attractions, les métiers de nourriture ouvrent plus tôt. « On commence à 11h30 parce que les gens des bureaux alentours viennent manger sur la foire », explique Patrick De Corte. « L’après-midi c’est calme, je m’occupe souvent des factures. ».
Il nous fait passer par une petite porte camouflée dans le décor de la baraque de sa famille qu'il désigne en rigolant comme « l’entrée des artistes». Derrière, les caravanes sont installées de telle sorte qu’une petite cour intérieure trouve sa place au milieu des habitations, en toute intimité.
« Les gens sont toujours étonnés de voir que derrières les attractions, il y a une vie intérieure et qu’on est vraiment installé », s’amuse Patrick De Corte. « Après la fermeture, on se retrouve souvent ici entre forains pour boire un verre ».
Forain, une histoire de famille
Patrick De Corte ne tient qu’un stand. « Certains en ont plusieurs mais pour la nourriture c’est déjà assez difficile avec une baraque. Il faut beaucoup de mains d’œuvres et les journées sont longues ». Le forain travaille avec sa femme, sa fille, son fils et sa cousine. Les week-ends, l’équipe est renforcée par quelques extras. « Le monde des forains est très familial. Ma femme vient aussi d’une famille de forain. On se côtoie depuis tout petit donc on a évidemment plus de chance d’épouser quelqu’un du métier. Je fais partie d'une famille de cinq générations de forains ».
Vie sur la Foire du Midi
Chaque année, à la Foire du Midi, Patrick De Corte se pose exactement au même endroit. « J’ai hérité de cet emplacement de mes parents qui eux-mêmes en avaient hérité des leurs, etc. Je me souviens à l’époque il y avait encore quatre bandes de circulation sur le boulevard du midi, les tunnels n’existaient pas encore, on était installés sur un parking ».
Derrière son stand, le forain a installé sa caravane où il dort avec sa femme et sa fille. « Parfois, quand je suis fatigué et que je veux une bonne nuit de sommeil, je rentre dormir chez moi à Haren. Mais c’est quand même plus pratique d’être sur le site ». Si aujourd’hui, les caravanes des forains offrent un certain confort, ça n’a pas toujours été le cas. « Maintenant, on a l’air conditionné mais je me souviens à l’époque on arrosait le toit des caravanes pour rafraîchir l’intérieur »!
Bon commerçant et courageux
Si le métier de chaque forain est différent, Patrick De Corte explique les qualités communes à tous : « Pour être un bon forain, il faut être un bon commercial. On doit pouvoir être polyvalent aussi. On doit avoir un permis poids lourd, on est un peu électricien, un peu mécanicien mais surtout il faut être bon commercial et être courageux ».
Jamais monotone
Si vous croyez qu’une vie entière consacrée au métier de forain est monotone, détrompez-vous. Pour Patrick De Corte, c’est tout le contraire : « Ce que j’aime dans mon travail c’est qu’on bouge tout le temps. La Foire du Midi dure 5 semaines mais d’autres ne durent que 10 jours. Nos voisins sont chaque fois différents. Donc si on ne s’entend pas, on sait que la foire d’après ils seront peut-être à l’opposé de notre baraque. De foire en foire, c’est toujours différent et c’est pour ça qu’on ne se lasse pas. On rencontre des gens différents, des mentalités différentes ».
Le forain nous avoue que la Foire du Midi n’est pas la plus facile des foires. Elle est longue, il fait souvent chaud et les gens sont plus difficiles qu’ailleurs. « Les Bruxellois ne sont pas des clients faciles. Ils sont plus indisciplinés qu’en province », rigole-t-il. « Et je sais ce que je dis, je suis moi-même Bruxellois. Ils ne savent pas attendre ».
Des anonymes aux habitués
Derrière son comptoir, Patrick De Corte scrute la foule, envoie un clin d’œil à un passant avant de prendre une commande… Des croustillons et une frite. Il engage la conversation. C’est une cliente régulière. « Il y a des gens qui viennent presque tous les jours commander une frite pendant la foire, ils en profitent ».
Sur le Boulevard du Midi, beaucoup d’habitués font de l’établissement De Corte un passage obligé durant l’été. « Il y a des clients que je retrouve d’année en année. Ici à Bruxelles, j’ai des amis d’enfance avec qui je traînais quand j’avais 14-15 ans qui viennent encore aujourd’hui me dire bonjour… »
Et puis il y a des habitués complètement improbables comme l’ancien chef triplement étoilé du restaurant Comme Chez Soi, Pierre Wynants. « Il accompagne toujours son sachet de frites de sauce pickles et d’un cervelas. Il adore ça », explique De Corte en saupoudrant quelques croustillons de sucre impalpable.
A notre départ, Patrick De Corte a encore de longues heures de travail devant lui. A partir de 20h, les Bruxellois seront nombreux à venir se promener sur la Foire du Midi. Une heure avant la fermeture, le forain commencera à ranger pour que tout soit blinquant dès le lendemain matin.
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