"Le monde le plus haut", le récit d'Arnaud
"Le monde le plus haut" est né lors d'un voyage précédent. Arnaud de Laveleye partait avec la ferme intention de tutoyer quelques sommets andins. Blessé au genou après seulement dix jours, il se voit contraint de revoir ses plans. Le périple imaginé piolet au poignet se transforme en un voyage pouce levé à travers l'Amérique latine. Tout doucement, sur les bords des routes, le fil d'Ariane du Monde le plus haut apparaît comme une évidence. Poussé par l'irrépressible envie de retourner sur le contient américain, le contrôleur aérien met tout en oeuvre pour réaliser son rêve, y compris prendre une pause-carrière de cinq ans.
En avril 2010, le passionné de cyclisme entame son périple de trois ans à la conquête des plus hauts sommets. Avec pour seul moyen de transport son vélo, Arnaud commence son expédition en Alaska, destination le mont Mc Kinley, le plus haut sommet d'Amérique du Nord. Il traverse ensuite le Canada et les Etats-Unis du nord au sud pour rejoindre le Mexique. L’Amérique centrale et l’Amérique latine s'offrent alors à lui : le Guatemala, le Belize, la Colombie, l’Equateur, le Pérou, le Chili et le Brésil. Trois ans plus tard, le jeune homme souffle ses 34 bougies après avoir traversé 17 pays et gravi 28 sommets. En trois ans, Arnaud aura "usé" 3 brosses à dents, 3 slips, 40 rouleaux de papier toilette, 286 douches... Cette aventure ne résume pas en chiffres. A son atterrissage à Bruxelles, celui que ses amis surnomment affectueusement Notje ou Crevette s'est offert quelques derniers tours de roue pour rallier le point culminant de notre plat pays : le signal de Botrange! Nous avons rencontré Arnaud fraîchement débarqué à Bruxelles....
A la rencontre d'Arnaud de Laveleye
BrusselsLife.be: Bienvenue à Bruxelles! Heureux de retrouver un lit?
Arnaud de Laveleye: Merci. Avant de partir, j'ai tout vendu. J'ai donc établi mon camp de base bruxellois chez maman depuis deux jours. Au cours de mon périple, j'ai logé un peu partout: sous ma tente, dans des écoles, dans des casernes de pompiers. Certaines municipalités mettaient également un local à sa disposition. Et il m'est même arrivé de me faire offrir l'hôtel.
BrusselsLife.be: Une recette magique pour trouver du logement durant votre voyage ?
Arnaud de Laveleye: En arrivant aux Etats-Unis, je n'étais pas très confiant et finalement durant deux mois j'ai campé dans des jardins de particuliers. J'ai très vite identifié les éléments clefs. Il me fallait sonner à une maison avec un grand jardin, sans chien, sans jeux d'enfants. Après un round d'observation, mon hôte m'invitait parfois à partager le repas et même le gîte. Le vélo a comme principale vertu de mettre les gens en confiance. Avec le vélo, mes hôtes voyaient probablement que je venais de loin. Je pense qu'ils auraient été moins accueillants si j'avais seulement eu un sac à dos sur mes épaules. Mais c'est surtout l'hospitalité des personnes les plus pauvres qui m'a surprise. En trois ans, je n'ai dû payer que 45 nuits d'hôtels.
BrusselsLife.be: Combien de kilomètres par jour?
Arnaud de Laveleye: En fonction de mon état d'esprit, je parcourais entre 60 et 100 km par jour. C'est surtout l'état des routes qui décidait. J'ai fait le choix de fuir les grandes voies de communication au profit des pistes. Et puis si un soir je n'arrivais pas à destination, pas de soucis, j'y arriverais demain matin ou après-demain. Ma plus longue distance en une journée: 175 kilomètres en 10 heures, ma plus courte: 28km en 4h45.
BrusselsLife.be: Un renoncement au confort?
Arnaud de Laveleye: Je me suis refusé tous les luxes pendant trois ans, à part la lenteur. Prendre le temps permet d'être plus ouvert, disponible et à l'écoute des autres. Ce périple m'a réconcilié avec la race humaine.
BrusselsLife.be: Une anecdote, une frayeur?
Arnaud de Laveleye: Ma plus grande frayeur, je l'ai vécue en Patagonie argentine. J'avais programmé une randonnée de quelques jours. J'abandonne mon vélo dans un village pour m'enfoncer dans la forêt. Rapidement je me perds... Après une étude des cartes, je décide d'un itinéraire me retomber sur mes pattes. Malheureusement à force de désescalader de nombreuses parois, je me suis retrouvé bloqué au pied d'un lac. Usé physiquement et mentalement et devant l'incapacité de remonter ces nombreuses parois, je décide de déclencher ma balise GPS.
Pendant qu'en Belgique sa famille s'affole, Arnaud ne baisse pas les bras et finit par attirer l'attention d'un bateau de touriste en croisière sur le lac glaciaire qui "fera le crochet" pour le récupérer. Ce crochet, Arnaud l'apprendra plus tard vaudra quelques ennuis au capitaine. De retour au village de départ, Arnaud peut rassurer tout le monde et mieux expliquer aux gardiens du parc son itinéraire et l'endroit où il se trouvait. Un endroit sans nom, qui sera peut-être un jour rebaptisé Belga Quebrada, le canyon du Belge, en souvenir du cycliste belge qui y descendu pour la première fois...
BrusselsLife.be: Après trois ans, Bruxelles a certainement changé?
J'ai commencé à me resocialiser à Santiago pour me permettre d'atterrir à Bruxelles en douceur. A ma grande satisfaction, Bruxelles est restée ce grand village avec une richesse artistique immense. J'en ai profité pour me programmer quelques sorties. J'ai besoin d'aller au théâtre, d'assister à des concerts. Je suis plutôt heureux de voir l'ampleur qu'a prise le service Villo. Je pense que je ne vais pas traîner à les essayer. Autre point positif: la multiplication des sites propres pour les transports en commun. Malgré cela la mobilité à Bruxelles est devenue un véritable problème! Je reste aussi très sensible au bruit et à l'effervescence de la ville. Autre grand changement, mes amis se sont mariés et commencent à avoir des enfants... Une autre belle aventure!
BrusselsLife.be: Et maintenant?
Arnaud: Je reste un mois en Belgique avant de repartir en Islande comme guide de montagne pendant trois mois. Ensuite, je reprendrai mon travail de contrôleur aérien à Zaventem pour ne pas avoir de regret, confirmer mon choix de vie et financer mes prochaines aventures... Durant ces trois dernières années, j'ai tenu un carnet de bord. Ces 11 cahiers et mes 30.000 photos, j'ai envie de les partager. Reste à savoir comment...
BrusselsLife.be: Envie de repartir?
Arnaud de Laveleye: Je n'imagine plus le voyage autrement que sur la selle de mon vélo. Pourquoi pas le tracé du transsibérien ou le même type de voyage, entre vélo et grimpe, sur le continent africain. Et puis il y a les projets sportifs...
Triathlète plutôt performant, Arnaud envisage de tenter la qualif' pour l'Ironman d'Hawaii mais il ne nous en dira pas plus. Nous sommes interrompus par la soeur d'un de ses amis qui a suivi "Le monde le plus haut" sur Internet et qui ne demande qu'une chose, boire les paroles d'Arnaud. Ainsi va la vie de l'aventurier de retour au pays...
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