Graffitis de crayons à Bruxelles
Eh toi là-bas, avec tes yeux vissés sur ton smartphone quand tu te promènes en rue ! Si t’arrêtais un peu ! Quitte à risquer une entorse sur les trottoirs bancaux de la capitale, autant lever le nez et profiter du paysage ! Pour celui qui prend la peine de regarder autre chose que ses pieds, Bruxelles est un musée à ciel ouvert où l’art urbain a élu domicile dans chaque rue…
Quand Brusselslife rencontre un crayon
BrusselsLife a écouté ses propres conseils et a rangé son téléphone bien profondément dans la poche de son jeans pour se délecter du paysage urbain. Déformation professionnelle sans doute, notre regard a été percuté de plein fouet par un graffiti de crayon géant ! « Bizarre… Ca me dit quelque chose… Ah mais oui ! J’en ai vu un qui y ressemble dans la rue près du bureau ».
Et depuis ce jour, les graffs nous sautent aux yeux partout à Bruxelles : sur les murs, les façades, les volets de magasins, les bornes électriques, les cabines téléphoniques… jusqu’aux abords des autoroutes ! Selon les recensements des connaisseurs, on en compte plus de 400. Mais ils apparaissent, disparaissent et ressuscitent sans cesse au rythme de l’évolution constante de la ville.
Depuis la fin de l’été 2010, les crayons fleurissent aux quatre coins de Bruxelles par vague. Yves Calomme, spécialiste du genre, explique ce qu’il a pu observer au fil du temps : « Il y a eu plusieurs vagues dans l’évolution du crayon. Au début, ils étaient simples et raides puis au fur et à mesure, ils ont commencé à se plier sur le coin d’une façade. Le graffeur leur a ajouté des jambes puis le crayon s’est transformé en coccinelle, il est devenu Indiana Jones, il s’est dénudé, a chevauché un chameau dans la chaleur étouffante du désert...»
Qui se cache derrière la bombe aérosol ?
On ne sait jamais où il va frapper. On ne peut jamais prévoir la forme que prendra son crayon. Il se faufile la nuit pour vous concocter en quelques coups de bombes un petit bâton de bois coloré. Et quand le soleil se lève, comme par magie, votre rue est tatouée d’un dessin inédit.
L’identité du graffeur de crayons ? Voilà la question que tout le monde se pose mais à laquelle personne ne peut ou ne veut répondre. Parce que quand il s’agit de graffs et de tags, les autorités veillent au grain.
Ils seraient plusieurs artistes à l’origine de ces graffitis. Les connaisseurs parviennent à reconnaître différents styles dans le coup de crayon. Certains sont plus travaillés que d’autres. Pour Yves Calomme, « il existe une collaboration entre les artistes. Ils communiquent entre eux. Il y a tout un échange entre eux autour de ces graffs de crayons».
Si l’identité des graffeurs restent un mystère, certains tags à proximité voire directement à côté de l’œuvre permettent de faire ressortir quelques noms de guerre tels que Korsa, Bart ou Fist…
Confidences des connaisseurs
A défaut de pouvoir mettre la main sur le(s) graffeur(s), nous nous sommes tournés vers trois passionnés de street art qui nous ont raconté leur expérience. Ils connaissent les crayons sur le bout des doigts.
On pourrait présenter Phil comme un chasseur de crayon. Après en avoir trouvé quelques-uns dans son quartier et les avoir publiés sur ses blogs, des amis lui en renseignent d'autres. « Je me suis vite retrouvé avec 20, 30, 50 crayons ! L'artiste est prolifique. Ce que j'apprécie particulièrement, c'est ce côté poétique surtout créatif de ces crayons ».
« Fin octobre, au bout de 2 ou 3 mois de chasse, il m'est venu une idée un peu folle : j'ai ajouté un commentaire à ma galerie de crayons sur Flickr disant plus ou moins ceci : c'est mon anniversaire au mois de juin, j'habite rue untel... si tu pouvais me faire un crayon dans ma rue je serai le plus heureux ! Nous voici fin décembre 2010, je sors de chez moi pour aller chercher un pain et je tombe sur un crayon qui m’est dédié ». Depuis, Phil continue à collectionner les photos de crayons sur son blog Flickr. « Là, j'en ai rassemblé près de 400 ».
Yves Calomme est un amoureux de la ville. Il se promène à pied et déniche toutes les traces d’art urbain dans les moindres recoins de Bruxelles. Au cours de ses pérégrinations, les graffitis de crayon ne lui ont bien sûr pas échappé : « Ca m’a plu, le crayon est rigolo, bien fait. Et puis il a bien évolué ».
Il rassemble ces photos sur Facebook. « Au début, les premiers crayons étaient centralisés dans le quartier d’Ixelles et principalement rue du Collège, rue Van Aa et autour de Saint-Boniface. Un jour Phil a trouvé un crayon qui m’était dédié sur un conteneur à Ixelles. Mais maintenant, le conteneur a bougé et je ne sais plus où il est. Donc si quelqu’un l’a vu quelque part… »
Bastien De Zutter est le troisième passionné que nous avons rencontré : « J’aime les possibilités de variations sur le thème du crayon. Il permet pleins d’associations positives, joyeuses, chouettes… J’aime aussi le rapport au jeu et à l’enfance qu’il induit. Je trouve ça bien choisi ».
Bastien est aussi un sportif dans l’âme. Il organise en octobre 2012 un marathon du crayon, un jogging dans la ville à la découverte de 77 dessins. Il diffuse largement les informations concernant l’évènement avec tous les détails concernant l’itinéraire qu’il suivra le jour J : « Lorsque j’ai commencé mes reconnaissances du parcours dans les semaines qui précédaient la course, j’ai vu apparaître de nouveaux crayons sur l’itinéraire que j’avais publié ».
Le crayon, c’est un jeu entre artistes mais aussi un jeu entre collectionneurs. Le but est de traquer les graffitis qui n’ont pas encore été découverts jusque dans les endroits les plus inaccessibles voire à l'étranger. Des crayons ont été dénichés jusqu' à Barcelone et à Amsterdam où un de nos graffeurs a sans doute passé ses vacances.
Bref, la chasse est ouverte et c’est à qui ramènera le cliché inédit !
Les crayons sont une infime partie de ce que le street art bruxellois a à proposer ! La prochaine fois, nous plongerons peut-être dans l'univers des pieuvres signées par "olo".
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