Géopolis - centre du photoreportage vous invite à découvrir le monde d'il y a 100 ans
Géopolis – centre du photoreportage à Bruxelles est une nouvelle institution culturelle et pédagogique de le capitale belge. Elle se donne pour mission d’ouvrir les horizons du grand public et d’éduquer la jeunesse aux enjeux des conflits et événements d’hier et d’aujourd’hui, souvent oubliés dans le tumulte de l’actualité.
A l’occasion du vernissage du nouveau cycle de conférences et d’expositions consacré au regard de la Belgique d’il y a 100 ans à travers le monde, nous avons rencontré Ulrich Huygevelde et Thomas Kox de l’équipe de Géopolis. Au programme, une soirée avec une conférence-débat autour d’un documentaire sur la guerre civile russe opposant les « Blancs » aux « Rouges » en 1917. Celle-ci est suivie d’un concert jazz et d'un drink.
Entretien.
Votre équipe est assez axée sur les thématiques liées aux pays de l’Est et à la migration, c’est comme cela que vous vous êtes tous rencontrés ?
Nous nous sommes rencontrés pour la réalisation d'une revue dédiée à l'actualité des mondes de l'Est. Sur ce thème des mondes de l'Est, nous avons en effet consacré un cycle d'expositions à Géopolis en évoquant les zones grises d'Europe - sujet assez peu connu finalement du grand public.
Mais dans le cadre de Géopolis nous explorons des thématiques très diverses : allant du réchauffement climatique aux guerres en Syrie et en Irak ou encore des thèmes plus historiques comme celui de notre nouveau cycle consacré à la vision du monde des ambassadeurs belges en place aux quatre coins du monde au sortir de la Première Guerre mondiale.
Cela dit il est vrai que la question migratoire est revenue à plusieurs reprises car c'est une question cruciale des temps actuels.
Bien que cela soit des préférences personnelles, sont-elles plus mises en avant que d’autres thématiques dans les différentes conférences et expos ?
Ce qui guide le choix des thèmes c'est aussi de pouvoir sensibiliser le public jeune pour lesquelles une partie de nos expositions - qui tournent ensuite dans les écoles - sont conçues.
Les questions de l'environnement ou des migrations étant des enjeux particulièrement cruciaux nous essayons effectivement de leur laisser une bonne place dans la programmation. Nous allons d'ailleurs entamer l'année 2019 avec un cycle consacré au géant de l'agro-industrie Monsanto. Nous nous intéresserons également ensuite par exemple à l'actualité vue par des femmes reporters.
Comment vous est venue l’idée d’ouvrir un centre du photoreportage ? Une superbe idée ! A l’ère des réseaux sociaux, du tout au numérique et à l’image, est-ce encore utile d’exposer du journalisme photo « à l’ancienne » ?
Merci ! Justement on s'est dit qu'à l'heure du "tout-immédiat" et du "tout-numérique" créer des espaces pour prendre le temps de questionner des sujets, notamment par la photographie, était important. Et on le remarque lors de nos ateliers avec les jeunes. C'est un média qui permet de véritablement questionner un sujet, de réfléchir sur une réalité de terrain parfois biaisée par ce qu'ils peuvent avoir entendu ou vu ailleurs. C'est pourquoi et c'est très important nous associons toujours nos expositions photographiques à des expositions pédagogiques réalisées avec des universitaires spécialistes du sujet traité.
Et pourquoi à Bruxelles à l’Atelier des Tanneurs ? Est-ce lié à la nature de ce lieu emblématique de la capitale belge et européenne ?
L'idée a germé progressivement. Dans le cadre de précédentes activités nous avions monté des expositions aux Tanneurs et l'idée est rapidement venue d'y organiser des activités pérennes. Le lieu est intéressant à plusieurs titres et ce qui est important pour notre projet c'est que s'y croisent des populations de tous horizons, de toutes classes sociales. C'est aussi un lieu porteur de valeurs, un lieu central et bien identifié avec une histoire qui transparaît dans son architecture originale.
Avez-vous directement obtenu le soutien des différents pouvoirs publics à Bruxelles ? N’avez-vous pas pensé à vous tourner vers le privé ? A des partenariats avec des médias traditionnels ?
Nous avons d'abord sollicité les pouvoirs publics mais nous commençons aussi à nous tourner vers le privé. L’entreprise CO2logic nous a ainsi soutenus sur notre cycle sur le réchauffement climatique. On a aussi noué une série de partenariats avec des ONG (CICR, Greenpeace, Amnesty, MSF...). Nous sommes de manière générale assez enclins à créer de nouveaux partenariats et ce que nous visons en priorité également sont les liens avec les écoles et autres asbl.
Vous avez abordé beaucoup de cycles-thématiques en conférences, expositions et autres événements. Les derniers choix concernant les migrations, le climat, les guerres au Yémen, en Ukraine et en Orient sont-ils guidés par l’actualité « chaude » ou « froide » ?
Les deux. Nous essayons à la fois d'organiser des événements dédiés à l'actualité brûlante mais aussi d'attirer l'attention sur des phénomènes un peu "oubliés". Nous avons ainsi invité récemment des photographes à venir évoquer leur travail au Yémen, théâtre d'une famine quasi ignorée.
Nous avons également été frappés en discutant autour de nous de voir à quel point la compréhension du réchauffement climatique était approximative malgré tout ce qu'on peut entendre dans les médias. La démarche est de parler en profondeur des sujets, de les inscrire dans le temps long. Même si bien sûr cela reste une goutte d'eau.
Quelle ambition vous motive derrière chaque projet ? Celle d’informer et d’éduquer ? Est-ce une forme de militance ?
Oui c'est une forme de militance, d'envie - modestement - d'ouvrir de nouveaux horizons, de créer des espaces dédiés à la compréhension de sujets d'actualité qui méritent autre chose que des raccourcis. Tous nos cycles d'expositions sont d'ailleurs articulés autour d'expositions pédagogiques conçues pour l'itinérance et pour pouvoir circuler dans les établissements scolaires.
Avec le dernier « changement » de gouvernement autour du pacte des migrations de l’ONU, pensez-vous que cette thématique mérite d’être encore traitée et retraitée si pas (ré)expliquée ?
Plus que jamais. Partout on assiste à des petits et grands renoncements sur le sujet. Les informations les plus farfelues sur la question circulent contribuant à la diffusion des peurs de part et d’autre. On oublie bien vite qu'il y a à peine 100 ans des centaines de milliers de Belges durent eux-mêmes fuirent pour des années pendant la Première Guerre mondiale. Et à Bruxelles la situation sur la question est loin d'être la plus problématique. J'ai [NDLR : Ulrich] d'ailleurs publié une tribune sur le thème, stupéfait de voir ce qui se passe sur la question da ma région d'origine et prenant Bruxelles pour exemple.
Vous fermez l’année 2018 avec un nouveau cycle consacré au regard de la Belgique sur le monde d'il y a 100 ans. Dites-nous en plus. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce thème ? Relire l’histoire à travers l’œil de fonctionnaires étrangers, n’est-ce pas un exercice périlleux ?
C'est un appel à projet du fédéral sur les célébrations de 14-18 qui nous a amenés à imaginer ce projet. Nous avions déjà mené des projets utilisant ces formidables ressources que sont les télégrammes diplomatiques. Nous avons imaginé "brosser un tableau du monde" au sortir de la Première Guerre mondiale grâce à une sélection de télégrammes diplomatiques envoyés par les ambassadeurs belges en poste à l'époque aux quatre coins du monde. C'est une ressource finalement assez peu utilisée et largement méconnue du grand public mais qui offre une approche tout à fait singulière à certaines thématiques historiques.
Quelle période et quels pays aborderez-vous à travers les notes diplomatiques ? On sait que la Première Guerre mondiale a redessiné la carte du monde et très certainement de l’Europe.
Nous abordons la période qui suit la Première Guerre mondiale dans ce monde redessiné par le conflit et marqué notamment par la chute des quatre grands empires européens. Et c’est à travers les yeux des ambassadeurs belges installés aux quatre coins du monde, témoins directs des bouleversements locaux, que cette exposition propose de revenir sur la manière dont la Belgique perçoit le monde au moment de la sortie de guerre des belligérants.
Vous inaugurez le cycle avec la guerre civile russe. Un conflit dont on parle peu en Europe occidentale car méconnu alors qu’il a forgé la seconde moitié du XXe siècle et garde de solides restes encore aujourd’hui. Les « Rouges » contre les « Blancs », toujours un duel d’actualité ?
Nous avons voulu pour l'ouverture de ce cycle proposer un focus sur l'un des épisodes historiques traités dans le cadre de l'expo. Nous avons choisi d'évoquer la guerre civile russe car c'est un moment historique d'importance majeure mais largement oublié. C'est un intervenant exceptionnel qui animera la soirée consacrée à ce thème !
Infos pratiques :
Exposition du 13 au 23 décembre.
Vernissage le mardi 18 décembre de 19 à 22h.
- 19h : projection ? et conférence-débat ?
- 20h30 : concert ? et drink
Adresse : Géopolis - Centre du photoreportage, 58 A rue des Tanneurs, 1000 Bruxelles (Marolles).
Entrée gratuite.
Crédits photos et sources : Frédéric Moreau de Bellaing, "Ruines de la Dublin Bread Company après le soulèvement de Pâques", avril/mai 1916 ©️ National Library of Ireland, Géopolis - Centre du photoreportage.
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